Ogawa Ryu , imposture et cohérence martiale

Publié le par aikido.nord

Par Léo T amaki
Léo Tamaki est l'un des collaborateurs réguliers de Dragon   FFAB

Il y a quelques mois Julien Coup m'a envoyé une vidéo accompagnée d'un commentaire ironique que je n'ai pas eu le temps de visionner sur le moment. Faisant le ménage dans mes documents hier, je suis tombé dessus par hasard.La vidéo est disponible ici.

Dès le premier visionnage j'ai vu une pratique qui ne m'intéressait pas, d'un niveau qui me semblait très moyen pour un maître (pour autant qu'on puisse en juger par une vidéo), et une façon de filmer et présenter jouant sur les fantasmes japonisants que j'ai trouvée vulgaire. Il y avait pourtant autre chose qui me gênait et j'ai cherché d'autres vidéos de l'école. J'en ai découvert une multitude! (618 résultats sur Youtube en tapant Ogawa ryu) C'est probablement l'école (pas la discipline) qui en a produit le plus.

En voici par exemple une sur le travail à mains nues.

Une vague impression de ridicule...
Il y avait d'abord une vague impression de ridicule, comme si les pratiquants "jouaient" ou plutôt sur-jouaient aux samouraïs. Des détails ensuite, comme le tasuki (cordelette utilisée pour retenir les manches des kimonos traditionnels aux manches amples), utilisé sur des keïkogi (voir jaquette vidéo ci-dessus). Il est très rare au Japon de voir le tasuki utilisé, et en aucun cas sur des dogis modernes. Un peu comme utiliser une ceinture sur un pantalon de jogging…
Par ailleurs l'école, si elle était légitime, aurait été la plus complète qu'il me soit permis de voir. Plus complète encore que des écoles telles que le Katori Shinto ryu qui ont perdu au cours des siècles certaines disciplines présentes à  leurs origines. Mais, finalement, ce qui me gênait le plus était la sensation qu'aucune cohérence ne se dégageait de leur travail.


 
 
Cohérence
Les écoles intégrant plusieurs traditions existent. C'est notamment le cas du Shinbukan Kuroda ryugi. Mais, que les pratiques se soient rassemblées parce qu'elles étaient sous-tendues par une même utilisation du corps, ou que leur rapprochement ait crée un lien dans leur travail, un point commun est la cohérence qui se dégage des démonstrations de leurs adeptes. Cohérence totalement absente ici où j'avais l'impression en passant d'une vidéo à l'autre de voir des pratiquants plus que moyens de disciplines/écoles variées. Dans le cas de leur "Aïkijujutsu" il y a un mélange flagrant de techniques issues du Daïto-ryu et d'Aïkido. Que ces disciplines soient de la même famille n'empêche pas que leur travail est clairement distinct.


Kuroda Tetsuzan et son fils Yasumasa à la NAMT07 (photo Sébastien Chaventon)

En Aïkido j'ai souvent été le témoin de ce manque de cohérence lorsque des pratiquants, et pire encore des enseignants, copiaient le travail d'armes, soit d'autres disciplines, soit d'autres styles d'Aïkido. Dans ce dernier cas je comprends l'exaspération des élèves de maître Saïto de voir leur pratique pillée et exprimée de façon incohérente.
Le travail de Saïto senseï est lié à sa pratique à mains nues. La façon d'utiliser le corps est la même. Vouloir la coller à d'autres styles d'Aïkido est incohérent. J'ai toujours considéré que l'Aïkido pouvait s'exprimer de différentes façons et que Mochizuki senseï, Tomiki senseï, Shioda senseï, Nishio senseï, Tamura senseï ou Saïto senseï étaient tous aussi légitimes. Pourtant il ne convient pas de mélanger leurs pratiques, à moins d'être un géant à leur égal, ou mieux encore à celui d'Osenseï, capables d'assimiler, synthétiser et sur cette base créer quelque chose de nouveau… et cohérent.


Saïto Morihiro
Honnêteté
Osenseï s'est librement inspiré de pratiques qu'il étudia en détail mais aussi d'autres qu'il n'étudia pas de façon aussi approfondie. Ne revendiquant pas les enseigner cela est tout à fait légitime. La Fédération Française de Judo, FFJDA, demanda à certains de ses experts de créer une méthode de Jujitsu. Quel que soit la valeur du résultat, ils ne cherchèrent jamais à se légitimer en se revendiquant d'une méthode antique transmise en secret… Ce qui n'est pas le cas de l'Ogawa ryu, comme j'ai pu le constater sur leur site.

J'ai ensuite voulu voir si l'école était mentionnée sur le meilleur forum consacré aux arts martiaux que je connaisse, e-budo. En tapant Ogawa ryu Aïkijujutsu je suis tombé sur un sujet de sept pages qui démystifie très clairement l'école, démontre les mensonges sur lesquelles elle est basée, et présente le témoignage accablant d'un de ses anciens adeptes. J'ai par la suite découvert que le sujet était résumé dans ce post du forum Aïkiweb.

Ueshiba Moriheï, un Budoka de génie
Vigilance
Nous sommes aujourd'hui dans la situation où les informations auxquelles nous avons accès devraient nous permettre de démasquer tous les imposteurs, mais dans le même temps cela donne encore plus d'outils aux mystificateurs pour tromper leurs victimes. Il semble qu'après avoir fui le Brésil Shidoshi Jordan sévisse actuellement en Espagne où l'Ogawa ryu prospère. C'est bien regrettable et surtout surprenant vu le recoupement facilement accessible d'informations accablantes disponibles à son sujet. Cela d'autant plus qu'il n'y a pas simplement tromperie sur la marchandise mais dérive sectaire aggravée…
Il peut sembler futile de s'attacher à la légitimité d'un historique si tant est que l'enseignement semble efficace. Le problème est que ce type de mensonge est révélateur d'une mentalité déplorable et que tôt ou tard cela risque de s'exprimer de façon dangereuse, comme c'est le cas dans l'Ogawa ryu. Jusqu'à aujourd'hui la France semble imperméable à ses mystifications, espérons que cela continuera.



Publié dans Point de vue

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